Colloque international d’hommage au Professeur Jean-Bernard Ouédraogo Les sciences empiriques en général, et les sciences sociales en particulier, sont de plus en plus confrontées à d’énormes défis liés aux terrains physiquement inaccessibles et aux interactions de face-à-face impossibles/impraticables (turbulences sociopolitiques, terrorisme, pandémies comme le COVID-19, etc.). En effet, la fermeture des frontières, des écoles, des lieux de production et de sociabilité, l’imposition de la quarantaine à certaines localités et de la distanciation physique entre individus ont induit des défis pour les relations humaines et pour la recherche (Christin, 2020). Aussi, la situation d’insécurité – due aux violences politiques (Ayimpam et Bouju, 2015) ou aux attaques terroristes (Kaboré et Kaboré, 2023) – rendent des terrains dangereux et inaccessibles. Relevés botaniques, topographiques, pédologiques ou inventaires biologiques (végétaux, animaux, insectes, graines, sol, etc.) tout comme les enquêtes in situ (fiedwork) (observations ethnographiques, entretiens et enquêtes par questionnaire, etc.) sont devenues des explorations périlleuses sur certains terrains (Hagberg et Körling, 2015; Nwabueze et Onyima, 2020). Cette situation fragilise, voire remet en cause la posture méthodologique des sciences empiriques ancrées dans la production et l’analyse de données factuelles, aussi bien suivant l’approche déductive (vérification empirique de théories) qu’inductive (génération de théories à partir des données empiriques – théorisation ancrée (Bachelard, 2004; Glaser et Strauss, 2017). Dans la lignée des travaux pionniers de Malinowski puis de l’École de Chicago, le travail de terrain intensif s’est imposé comme un critère de légitimité de l’anthropologie ou de la sociologie qualitative. L’enquête in situ – malgré les biais inévitables (de Singly, 2003) – apparait comme une condition sine qua non des approches qualitatives qui combinent entretiens formels et informels, observations, procédés de recensions divers et documents recueillis sur place (Olivier de Sardan, 2008). Comment produire alors des données dans des contextes où le terrain est inaccessible ? L’ambition de ce colloque est d’engager une conversation interdisciplinaire sur les dispositifs méthodologiques à capitaliser, en contexte de crise, pour l’avenir de la recherche. L’accent est mis sur le « bricolage méthodologique », la fiabilité et la validité des données collectées, mais aussi sur la problématique de la relation enquêteur-enquêté, de la négociation du terrain et du consentement qui posent le plus souvent des biais éthiques difficilement surmontables à distance, c’est-à-dire en dehors du face-à-face. Trois axes de réflexion ont été retenus pour le colloque ainsi qu’un volet d’hommage au Professeur Jean-Bernard Ouédraogo….